Corps et environnement ou « kinésphère et outdoor »

À quelques collègues.

Tous les extraits référencés dans le texte sont signalés en italique et bleu.

Ce témoignage a la vocation de rendre compte du processus de transformation que je vis, après quelques semaines de repos, plusieurs formations et diverses lectures. Je me sens accompagné par des collègues que je côtoie régulièrement, et qui peut-être sans le savoir explicitement me permettent cette transition. Je leur dis merci pour leur présence et de partager avec moi mes réflexions.

Récit
Je viens de vivre en ce mardi de février 2021, un moment fort avec moi-même. Ma kinésphère est tellement grande que j’ai l’impression qu’elle englobe l’environnement dans lequel je fais du ski de fond. Je suis la piste non tracée avec 10 cm de neige fraiche, quel bonheur! Seul avec moi-même, seul dans la nature, les oiseaux chantent, un lièvre court. C’est impressionnant, il passe à grandes enjambées le long de la piste comme pour me rappeler que je ne suis pas seul dans cet environnement, que je dois tenir compte de sa présence. C’est la première fois que j’en vois un. Quelles informations me donne l’environnement ? Il me dit : « tu es seul dans la nature, alors écoute ». J’ai commencé par écouter mon corps, ressentir mon plancher pelvien bien stable et percevoir mes petits galets dans la moelle épinière qui font des allers-retours entre le haut et le bas dans la colonne vertébrale. Je perçois également ma kinésphère qui passe autour de moi sous la neige et dans laquelle je me sens ancré. Au moment où je sors de la forêt, je me retrouve dans l’immense pâturage blanc immaculé, l’impression que ma kinesphère s’élargit. Je prends conscience que l’environnement est blanc, il m’accueille, il est froid or il m’accueille, c’est juste un paradoxe, c’est exceptionnel. Je continue sur le même rythme durant toute la montée. Si je peux garder ce même tempo malgré la montée et la difficulté, c’est parce que mon équilibre interne est en adéquation avec l’équilibre de l’environnement. Pendant cette matinée, je suis sur les pistes officielles, la nature est là, je vois des traces d’animaux, des griffes et j’entends des chants d’oiseaux, je me sens en harmonie avec elle. Ceci est juste beau dans un environnement aménagé. Je me ressource.

Brève analyse, liens et références.
Cette sensation de ne faire qu’un avec l’environnement est une sensation nouvelle et me fait dire que mon ancrage personnel associé à la conscience de mon environnement m’a permis de vivre cet équilibre en harmonie. Edmond (2018) parle de recherche d’équilibre et de transformation. Notre groupe d’accompagnement-recherche avec le Québec travaille autour du concept de corporéité qui signifie la relation qu’une personne entretient avec la conscience de son propre corps, du corps des personnes autour d’elle et de son environnement (spatio-temporel et socio-institutionnel) (tiré de Emond, 2018).
À propos du « post » d’Ismaël Zosso sur LinkedIn : Pourrait-on envisager l’environnement, la « nature », autrement que comme une ressource infinie à notre disposition? Mon expérience de ce jour tente à démontrer que même sur des circuits balisés, il est possible de se ressourcer en harmonie avec l’environnement.
J’ai décidé de ralentir, de m’occuper de moi, de ma kinesphère et de tenter d’être plus en résonance avec l’environnement au quotidien. Les propos de Nathanaël Wallenhorst (conférence Outdoor, octobre 2020), apprendre la résonance, antidote de l’accélération, démontrent qu’un processus est en route, à moi de l’alimenter et de maintenir un rythme qui me convienne.
Je termine en citant Le Breton (2020, p. 38) L’humanité est désormais assise, encombrée d’un corps d’une bipédie qu’elle voit de plus en plus comme un handicap ou dont elle ne souhaite pas s’affranchir. Osons la marche ou le ski de fond, retrouvons la conscience de notre corps, tentons l’harmonie avec l’environnement.

Je pose les questions qui continueront à alimenter ma réflexion. Le module « camp » que je dirige depuis 12 ans deviendra-t-il un module outdoor ? Le module de formation 2 en EPS prendra-t-il un virage pour plus de perceptions sensorielles ? Le groupe de recherche-formation permettra-t-il de remettre au centre le corps de l’enseignant ? La lecture de Marcher la vie de David Le Breton m’amènera-t-il à mon propre recentrage dans le monde qui m’entoure. (19 février 2021)

Références :
HEP Vaud (2020). Outdroor education. Formation Outdoor. https://www.hepl.ch/cms/accueil/actualites-et-agenda/actu-hep/outdoor-education.html
G. Emond & S. Oppliger (2020). Projet accompagnement-recherche collaborative - Donnez du corps à votre enseignement!- pour formateur.trice.s des cycles supérieurs, universités et hautes écoles, dans la transition COVID 2020-2021
I. Zosso (février 2021) Post sur LinkedIn. Environnement et ressource infinie? https://www.linkedin.com/posts/ismael-zosso-a06872a9_ski-de-rando-et-raquettes-pour-la-faune-activity-6763488046328418304-B8h1
D. Le Breton (2020). Marcher la vie. Un art tranquille du bonheur. Éditions Métailié. Paris

 

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